Le baryton Edwin Crossley-Mercer souffrant sera remplacé par Jóhann Kristinsson pour le concert du 15 octobre.

L’aventurier des orchestrations perdues

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L’aventurier des orchestrations perdues

Entretien avec Alexandre Dratwicki

Surtout célèbre pour son Requiem, Fauré fait aussi les délices des mélomanes avec ses chœurs et ses mélodies pour voix et piano. On connaît en revanche moins ses mélodies dans leurs versions orchestrées. Alexandre Dratwicki, directeur scientifique du Palazzetto Bru Zane, centre de musique romantique française situé à Venise, nous parle de la réédition de ces raretés.

Comment ces mélodies de Fauré sont-elles arrivées au programme du Capitole ?

L’Orchestre cherchait un complément à une œuvre de Franck, Les Sept Paroles du Christ en croix, elle-même fort rare au concert d’ailleurs. Nous avons pensé à ces mélodies de Fauré, déjà bien connues dans leur version pour voix et piano, pour valoriser les solistes vocaux déjà sollicités dans Franck. Bien souvent, les orchestrations de mélodies sont certes approuvées par le compositeur original, mais réalisées par un autre musicien. Or, quatre des mélodies de ce programme ont pour particularité d’avoir été orchestrées par Fauré lui-même : Les Roses d’Ispahan, La Chanson du Pêcheur (aussi intitulée Lamento selon les sources), En prière et Clair de lune. La Tarentelle a quant à elle été orchestrée par Messager et non par Fauré lui-même, mais il s’agit d’un duo et il nous plaisait de faire briller les deux chanteurs ensemble.

Alexander Dratwicki © Palazzetto Bru Zane

À quoi ressemble le travail d’enquêteur d’un éditeur musical ?

Toutes les grandes bibliothèques ont désormais des fichiers numériques élaborés interrogeables à distance, mais il faut réussir à en extraire convenablement les informations que l’on recherche. Dans le cas de mélodies orchestrées, on se heurte souvent à des œuvres mal référencées, qui vont par exemple être qualifiées de cantate ou d’air. Il peut aussi arriver que l’on pense trouver une mélodie orchestrée, et qu’il s’agisse en fait d’un extrait d’opéra édité séparément. Autrement dit, on ne peut être certain de sa découverte qu’une fois la partition face à soi.

Comment peut-on « oublier » de telles œuvres ?

La mélodie orchestrée présentait un immense défaut : elle n’était pas rentable. Très courte, elle ne pouvait pas être proposée à un prix trop important par l’éditeur. Dans certains cas, on ne retrouve donc que des manuscrits, simplement tamponnés par l’éditeur ! Et quand il n’y a pas d’édition officielle, il n’y a pas non plus de dépôt légal, ce qui limite évidemment la diffusion.

Pourquoi le centre dédié au romantisme musical français a-t-il été fondé à Venise ?

En 2006, Madame Bru a acquis le Palazzetto en vue de le restaurer, et de préserver ainsi un peu du patrimoine de Venise. Elle souhaitait aussi y créer quelque chose pour la culture, sans idée préconçue. C’est sur les conseils d’Hervé Niquet qu’elle a eu l’idée de faire de ce lieu un centre dédié à la musique romantique française, à l’image du Centre de musique baroque de Versailles pour la musique ancienne. Cela se tient : le transfert culturel entre la France et l’Italie était extrêmement vivace au XIXe siècle, entre les Français résidents de la Villa Médicis qui voyageaient dans toute l’Italie en préparant leur Prix de Rome et les musiciens italiens allant faire carrière à Paris, de Cherubini à Verdi.

Qu’est-ce ce que ce répertoire peut nous raconter aujourd’hui ?

Du côté des interprètes, ce nouveau continent musical que nous sommes en train de découvrir – car il y a Fauré mais aussi Saint-Saëns et bien d’autres – pourrait être une alternative à de grands classiques des récitals actuels. Les mélodies orchestrées restent au plus près du texte, la plupart du temps choisi chez les plus grands poètes, loin de la pêche aux contre-ut de certains airs d’opéra. Du côté du public, la musique romantique française peut toucher immédiatement des novices, qui se laissent seulement guider par leur émotion. Et ce, notamment parce qu’elle a de nombreux points communs avec la musique hollywoodienne que nous connaissons tous : les plus célèbres marches du cinéma, celles de Star Wars ou des Aventuriers de l’arche perdue par exemple, sont très proches de celles de Roma de Bizet !

Propos recueillis par Mathilde Serraille


LE CONCERT

Ariane Matiakh © Marco Borggreve

Résurrection d’un chef-d’œuvre

Grand concert symphonique

Jeudi 28 mars à 20h

L’année 2024 marque le centenaire de la mort de Gabriel Fauré. La suite de Pelléas et Mélisande, incluant la célèbre Sicilienne, et cinq mélodies orchestrées, rendront hommage à la délicatesse de son style. Son contemporain, César Franck, devait composer pour la Semaine Sainte en tant que Maître de chapelle de la basilique Sainte-Clotilde à Paris. Les sept paroles du Christ en croix, oubliées, ont été exhumées il y a une cinquantaine d’années : les fêtes de Pâques sont tout indiquées pour découvrir ce trésor ressuscité.