Le baryton Edwin Crossley-Mercer souffrant sera remplacé par Jóhann Kristinsson pour le concert du 15 octobre.

Gergely Madaras dirige Bartók et Prokofiev

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Gergely Madaras dirige Bartók et Prokofiev

En janvier, Gergely Madaras dirige l’Orchestre pour un concert qui met à l’honneur Béla Bartók et les subtilités de son Concerto pour orchestre, mais aussi le somptueux Concerto pour violon n°2 de Sergueï Prokofiev. Quelques mots sur les compositeurs de ces deux œuvres magistrales au programme du concert du 21 janvier.

Aimez-vous Bartók ?

Utopiste, infatigable défenseur d’une solidarité pacifiste entre les peuples, le musicien hongrois est à l’honneur avec le Concerto pour orchestre. Le 21 janvier, son jeune compatriote Gergely Madaras dirige cet ultime chef-d’œuvre, qui incarne les utopies d’une Europe centrale faite d’une mosaïque de cultures et de musiques.

Béla Bartók par Kohn, dessin paru dans The Cincinnati Enquirer, 28 février 1928. © DR

Un parcours vertigineux

Depuis ses débuts, comme jeune nationaliste hongrois, à sa maturité, le parcours du compositeur est vertigineux. Béla Bartók avait d’abord défendu l’idéal d’une musique populaire « pure ». Ses recherches dans les campagnes hongroises, roumaines, croates, algériennes même, le convainquent du contraire dans les années 1910. En constatant le mélange des cultures et des influences, le musicien prend conscience des limites du nationalisme. Le Concerto pour orchestre témoigne de ce revirement presque total : composée alors que les fascismes triomphent en Europe, l’œuvre livre un ultime témoignage de la porosité inextricable des folklores.

« Il est évident que, s’il reste quelque espoir pour la survie de la musique populaire dans un avenir proche ou lointain, […] l’érection artificielle de murailles de Chine pour séparer les peuples les uns des autres n’augure rien de bon pour son développement. »

Le Concerto pour orchestre : un chant de protestation

En 1942, Bartók a quitté depuis deux ans une Hongrie devenue fasciste sous le régime de l’Amiral Horthy. Il est alors aux États-Unis. Figure résolument éthique, intransigeante sur le plan des compromis avec la démocratie, Bartók expose ses craintes de citoyen et de musicien humaniste dans un article au titre éminemment politique : « La pureté raciale en musique ». L’exil se révèle difficile pour le compositeur en retrait de la vie musicale américaine et quasiment sans ressources. Pour lui venir en aide, le chef du Boston Symphonic Orchestra, Serge Koussevitsky, lui commande un Concerto pour orchestre, créé le 1er décembre 1944.

Œuvre de synthèse d’un musicien au crépuscule de sa vie, le Concerto pour orchestre est un chant de protestation contre les « murailles » érigées au XXe siècle. Bartók y mélange et transcende les nombreux folklores qu’il avait pu découvrir. Le Concerto pour orchestre révèle aussi le dernier style (par la suite qualifié de « folklore imaginaire ») de Bartók, substituant aux thèmes folkloriques des inventions nées de sa culture et de son imagination.

Le folklore imaginaire de Bartók

« Le compositeur n’utilise pas de mélodie populaire authentique mais en invente lui-même une imitation. » Une telle démarche permet de concilier l’esprit de la culture populaire et sa propre esthétique, si moderne soit-elle. Dans le cas du Concerto pour orchestre, les références à la musique populaire sont innombrables : hommage au verbunkos, cette danse de recrutement militaire alternant mouvements vifs et déplorations, rythmes slovaques, airs d’inspiration serbe, mélopées inspirées par la Transylvanie… Toute l’Europe se révèle dans la pièce ! Ce chant d’amour à sa terre natale révèle la souffrance d’un musicien qui, le premier, avait pointé les dangers d’un nationalisme aussi bien politique que musical.

Charlotte Ginot-Slacik

Juliette Gil, altiste co-soliste à l’Orchestre du Capitole, nous parle de l’intense Concerto pour orchestre de Béla Bartók.

Prokofiev par Mullova : « Du grand violon… et que ça chante ! »

Le Concerto pour violon n° 2 date de 1935. À cette époque, après de longues années d’exil, Prokofiev est près de voir aboutir ses démarches de retour en Russie, quittée en 1918 et désormais stalinienne. Le compositeur, qui a suscité de nombreuses polémiques – est-il de « style bourgeois » ? – ne sera admis résident permanent à Moscou que l’année suivante. En attendant, il voyage et passe beaucoup de temps à Paris. C’est là qu’il décide d’écrire un concerto pour le célèbre violoniste français Robert Soëtens : « Et comment le voulez-vous, ce concerto ?, demanda le Russe. – Du grand violon, répondit le Français, et que ça chante ! ».

Viktoria Mullova © Max Pucciariello

Faire chanter le violon

De fait, Prokofiev opte pour une forme classique et ce qu’il nomme une « nouvelle simplicité », tout en offrant à la partie soliste les envolées les plus étourdissantes. Le premier mouvement est créé à Paris, le deuxième à Voronej, l’œuvre intégrale à Madrid en 1936. L’Europe s’émerveille, l’Union soviétique aussi… C’est un artiste déchiré qui rentre en URSS, un homme aussi patriote qu’insoumis.

Faire chanter du grand violon ? Viktoria Mullova est parmi les rares interprètes capables d’exaucer ce vœu. La violoniste d’origine russe, résolument libre et exceptionnellement douée, est une véritable légende. Élève de David Oïstrakh, lauréate du concours Tchaïkovski, Mullova est reconnue mondialement pour son impressionnante polyvalence et son intégrité musicale. L’entendre à Toulouse dans le Concerto n° 2 de Prokofiev, qui l’accompagne depuis l’enfance et qu’elle a enregistré par deux fois, est une expérience magique et un événement rare.

D.A.


L’âme du violon

Grand concert symphonique

Samedi 21 janvier à 20h

Peu de violonistes savent faire chanter leur instrument comme Viktoria Mullova… La musicienne d’origine russe est une véritable légende dont la quête de liberté n’a d’égal que son immense talent. Pour Toulouse, Viktoria Mullova interprète le Concerto n° 2 de Prokofiev, œuvre avec laquelle elle grandit musicalement, dont elle grava deux enregistrements de référence… C’est accompagnée par le chef hongrois Gergely Madaras qu’elle revient rendre hommage au plus insoumis des musiciens soviétiques.

Le chef Dima Slobodeniouk
Viktoria Mullova © Benjamin Ealovega