Le baryton Edwin Crossley-Mercer souffrant sera remplacé par Jóhann Kristinsson pour le concert du 15 octobre.

Puccini, l’infinie séduction

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Puccini, l’infinie séduction

Entretien Speranza Scappucci

Sur la scène lyrique comme dans le répertoire symphonique, la cheffe italienne transcende chacune de ses interprétations par l’énergie et la clarté du propos musical et un sens aigu du drame. Speranza Scappucci, dont personne n’a oublié l’électrique Cosi fan tutte la saison dernière au Théâtre du Capitole, sera à la Halle aux Grains le 5 février, à la tête de l’Orchestre national et du Chœur du Capitole, avec des solistes remarquables, pour le rare opéra de jeunesse de Puccini, Le Villi, dans une version mise en espace par Marie Lambert.


La saison dernière, vous étiez au Théâtre du Capitole pour diriger un éblouissant Cosi fan tutte, débordant de vitalité et d’humanité. Quel souvenir gardez-vous de votre travail avec l’Orchestre national du Capitole sur ce chef-d’œuvre de Mozart ?

Cette expérience toulousaine a été merveilleuse. La production a eu lieu juste après le premier confinement, et il y avait donc de nombreuses restrictions sanitaires. Diriger Cosi fan tutte en respectant la distanciation dans la fosse et sur le plateau fut un défi considérable ! Mais grâce au grand talent des chanteurs et des musiciens, nous avons réussi à monter un Cosi plein de vie.
L’accueil si chaleureux du public de Toulouse a largement récompensé nos efforts. Malgré les difficultés, c’est un magnifique souvenir !

Le 5 février, à la Halle aux Grains, vous serez à nouveau à la tête de l’Orchestre pour donner une version mise en espace de Le Villi, une œuvre de jeunesse de Puccini, son premier opéra. Parlez-nous de cet ouvrage assez méconnu.

C’est un très bel opéra. On sent encore la jeunesse de l’écriture de Puccini, mais l’on pressent déjà son évolution et le meilleur de sa maturité. La mélodie est déjà typiquement puccinienne : elle sonne avec une simplicité confondante, et pourtant elle est soutenue par une harmonie complexe. L’histoire est très touchante : la trahison d’un amour innocent fait tout basculer dans la tragédie. J’aime tout particulièrement la partie centrale de l’ouvrage : l’intermède symphonique de La Tregenda, une sublime tarentelle aux contrastes frappants, et la grande scène de Roberto. En 1884, la première de l’opéra a été un échec cuisant, Puccini en était désespéré. Le public milanais n’a pas compris le caractère novateur de son style.

Speranza Scappucci ® Silvia Lelli

Puccini est l’un de vos compositeurs de prédilection. Quelles sont les exigences spécifiques à son interprétation ? Que souhaitez-vous communiquer à l’Orchestre des particularités de son style ?

Le plus beau et le plus difficile, c’est l’infinie séduction de la mélodie. Trop souvent, on en exagère le romantisme, alors que la beauté de cette musique réside dans la simplicité, l’immédiateté de son expression. Il ne faut surtout pas ajouter de sucre au miel de Puccini, sinon cela devient un peu écœurant !… Il faut évidemment éviter toute vulgarité, tout excès, car le pouvoir de cette musique émane de la phrase même. C’est son évidence qui touche directement le cœur et pénètre l’âme. Tout ce que Puccini voulait exprimer, il l’a écrit dans la partition. Il suffit de la respecter.

Qu’est-ce qu’une artiste italienne peut apporter à un Orchestre français dans le répertoire de l’opéra italien ? Est-il pertinent de parler de styles « nationaux » ?

La musique est un langage universel. Je ne crois pas qu’un Français ne puisse pas ressentir ou comprendre la musique italienne, et inversement. Pour l’opéra, ce qui est naturellement important, c’est de bien connaître la langue et sa relation à la musique. Donc un Italien comprendra « mieux » le texte des opéras de Mozart-Da Ponte ou de Puccini, mais ce n’est pas une condition suffisante. Il faut chercher, dans la subtilité des mots comme de l’écriture musicale, ce qui se dit profondément. On ne trouve cela qu’à travers une étude très approfondie du livret et de la composition musicale.

Quels ont été pour vous les moments forts, décisifs, dans votre formation de cheffe d’orchestre, puis dans votre carrière jusqu’ici ?

Sans aucun doute les neuf années pendant lesquelles j’ai été la cheffe de chant du Maestro Riccardo Muti, une expérience fondamentale pour moi.Puis mon premier poste de directrice musicale de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège. C’est une immense chance d’avoir son propre orchestre : en cinq ans, on peut vraiment construire quelque chose de spécial.

Vous avez orienté votre carrière principalement vers la direction d’opéra. Cela a-t-il été un choix conscient ou un heureux hasard ?

Je n’ai rien orienté du tout ! J’ai été cheffe de chant pendant quinze ans, j’ai donc baigné très longtemps, et depuis mes débuts, dans le domaine de l’opéra. Toutefois, j’ai très vite pris soin de pratiquer le répertoire symphonique. D’ailleurs, si vous regardez mon agenda, vous verrez qu’il y a un bel équilibre entre lyrique et symphonique !

Parmi les opéras que vous avez déjà dirigés, lequel placeriez-vous au-dessus de tout ? Et parmi ceux que vous rêveriez-vous de diriger ?

J’ai récemment dirigé une nouvelle production d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski à l’Opéra Royal de Wallonie. Ce fut un moment très important. Avec Manon Lescaut et Madame Butterfly de Puccini, sans doute l’une des plus belles expériences de ma vie. Sinon, l’opéra que je rêve de diriger le plus tôt possible ? Otello de Verdi, c’est un chef-d’oeuvre absolu.